Sarah Harper

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03/10/2013

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Ce jardin ainsi livré à lui-même depuis plus d'un demi-siècle était devenu extraordinaire et charmant. Les passants d'il y a quarante ans s'arrêtaient dans cette rue pour le contempler, sans se douter des secrets qu'il dérobait derrière ses épaisseurs fraîches et vertes. Plus d'un songeur à cette époque a laissé bien des fois ses yeux et sa pensée pénétrer indiscrètement à travers les barreaux de l'antique grille cadenassée, tordue, branlante, scellée à deux piliers verdis et moussus, bizarrement couronnée d'un fronton d'arabesques indéchiffrables.

Il y avait un banc de pierre dans un coin, une ou deux statues moisies, quelques treillages décloués par le temps pourrissant sur le mur; du reste plus d'allées ni de gazon ; du chiendent partout. Le jardinage était parti, et la nature était revenue. Les mauvaises herbes abondaient, aventure admirable pour un pauvre coin de terre. La fête des giroflées y était splendide. Rien dans ce jardin ne contrariait l'effort sacré des choses vers la vie ; la croissance vénérable était là chez elle. Les arbres s'étaient baissés vers les ronces, les ronces étaient montées vers les arbres, la plante avait grimpé, la branche avait fléchi, ce qui rampe sur la terre avait été trouver ce qui s'épanouit dans l'air, ce qui flotte au vent s'était penché vers ce qui se traîne dans la mousse ; troncs, rameaux, feuilles, fibres, touffes, vrilles, sarments, épines, s'étaient mêlés, traversés, mariés, confondus ; la végétation, dans un embrassement étroit et profond, avait célébré et accompli là, sous l'oeil satis- fait du créateur, en cet enclos de trois cents pieds carrés, le saint mystère de sa fraternité, symbole de la fraternité humaine. Ce jardin n'était plus un jardin, c'était une broussaille colossale, c'est-à- dire quelque chose qui est impénétrable comme une forêt, peuplé comme une ville, frissonnant comme un nid, sombre comme une cathédrale, odorant comme un bouquet, solitaire comme une tombe, vivant comme une foule.

 Le jardin de la rue Plumet, Victor Hugo. LES MISERABLES

 

13/03/2012

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A QUOI SERT UNE FRICHE ?

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… car si elle ne sert pas à quelque chose, ne faudrait-il pas plutôt la nettoyer, ou bien la vendre aux constructeurs ?

Dans l'écosystème local, ou bien régional, quel rôle joue cet enchevêtrement de lianes et de ronces, d'arbres à papillons et de bouleaux pionniers, dans ce petit sous-bois vraisemblablement laissé tel quel depuis plus de quarante ans?

On peut s'y perdre, on peut y tourner en rond, on y voit tracés les sentiers des renards, on aperçoit des crottes de souris sur les pierres fêlées des murs… un puits, depuis longtemps asséché, le parterre spongieux sous nos pieds. L'odeur des aisselles d'arbres suinte jusqu'à faire éclater des pustules fongiques, des étagères végétales, de minuscules champignons blancs, jaunes, bleuâtres.

Et si on s'y perdait, que pourrait-on y glaner pour manger, boire, ou bien se soigner ?

D'où viennent ces plantes "sauvages", et cette faune chassée de partout ailleurs par le béton, les pesticides, le désir d'ordre et de propreté d'une ville à jamais croissante ? Quelles sont leurs histoires ? Quels voyages ont fait les graines pour arriver ici, sur ce nowhere… ce wasteland. Quelles histoires renferment les murs au plâtre croulant, les troncs torsadés de vieux pêchés mourants, le sol tapissé de mousse et de lierre ? Et les voisins autour, enracinés, déracinés, de passage, flottants… quelles histoires et souvenirs emmènent-t-ils ? Et quelles connaissances sont en train de disparaitre…?

"Entre mal venu ou bien venu, l'important est la venue" dit Gilles Clément. Comment peut-on changer le regard sur ces friches pour qu'elles soient préservées et protégées par nous tous ?

Et surtout comment le découvrir, le connaître et le partager sans tout détruire ?


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